« Le 29 mars 2020, le ministère de la Justice a publié un décret mettant en oeuvre un traitement de données personnelles dont la finalité est le développement d’un algorithme destiné à l’évaluation des politiques publiques en matière de responsabilité civile et administrative ainsi que l’élaboration d’un référentiel indicatif d’indemnisation des préjudices corporels. (…)
Derrière l’objectif de créer un référentiel indicatif d’indemnisation des préjudices corporels se trouve une volonté d’inciter le justiciable à résoudre amiablement son différend et à ne pas le porter devant le juge. Il s’agit d’ailleurs d’une finalité annoncée du traitement de donner « l’ information des parties et l’aide à l’évaluation du montant de l’ indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre afin de favoriser un règlement amiable des litiges. (…)
Le syndicat de la magistrature pointe le risque de « déjudiciarisation des contentieux en matière de préjudice corporel, d’autant plus attrayante que le manque d’effectifs en juridiction et les stocks accumulés rendront impossible toute réponse judiciaire rapide, seule de nature à éviter une déjudiciarisation complète ».
Cela étant, pour qu’une déjudiciarisation s’amorce grâce à l’utilisation d’un outil qui prédirait l’indemnisation espérée, encore faut-il que les justiciables, ainsi que leurs avocats, aient accès à l’outil et à la manière dont il a été conçu pour déceler différents biais qui auront pu être introduits, sans quoi un réflexe de défiance pourrait naître et les réclamations seraient alors portées devant le juge.
En effet, si la conception et le fonctionnement de l’outil n’est pas transparent, il y a tout lieu d’imaginer qu’il n’emportera ni la confiance des justiciables, ni celle des assureurs chargés de proposer des offres indemnitaires. »
Retrouvez l’article dans son intégralité dans la revue EXPERTISES – Juin 2020 – p. 244