La réception des travaux est une étape cruciale dans le domaine de la construction et des marchés de travaux, qu’ils soient publics ou privés.

Elle intervient en fin de chantier et constitue un acte juridique fondamental tant pour le Maître d’Ouvrage que pour le constructeur.

La réception de travaux est définie par l’article 1792-6 du Code civil comme « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves ».

Elle peut être réalisée à l’amiable, tacitement ou judiciairement, mais doit toujours être prononcée contradictoirement.

La réception de travaux est un élément essentiel tant pour le Maître d’Ouvrage que pour l’entreprise.

En effet, cette date constitue le point de départ des garanties légales :

  • La garantie de parfait achèvement (1 an).
    • La garantie biennale ou de bon fonctionnement (2 ans).
    • La garantie décennale (10 ans)

C’est à compter de la réception que s’applique la responsabilité décennale pour les désordres les plus graves et la garantie de bon fonctionnement de deux ans pour les éléments d’équipements.

Sans cette réception, les garanties d’assurance, notamment l’assurance décennale, ne pourront pas couvrir l’entreprise en cas de sinistre.

La réception opère également un transfert des risques liés à l’ouvrage : une fois les travaux prévus au contrat terminés, l’entrepreneur remet « l’ouvrage » au client qui en assumera désormais la garde et les risques.

La réception formalise l’acceptation des travaux et purge les vices apparents qui ne sont pas mentionnés en réserve.

En effet, la réception peut être accompagnée de réserves auquel cas, le professionnel devra procéder aux travaux de reprises dans un délai maximum d’un an.

A l’inverse, l’absence de réserve pour des défauts apparents lors de la réception permet d’écarter toute obligation d’intervention à la charge de l’entreprise.

Pour éviter toute difficulté d’interprétation, les réserves doivent être précises notamment sur leur location.

La réception est donc un acte juridique capital sur lequel une attention particulière doit être portée.

Il existe trois formes principales de réception : expresse, tacite et judiciaire.

La réception expresse est formalisée par un procès-verbal daté et signé par le maître d’ouvrage et par le constructeur. Ce document peut inclure :

  • Une acceptation sans réserve, qui libère immédiatement le constructeur.
  • Une acceptation avec réserves, obligeant le constructeur à lever ces réserves dans un délai convenu.

Lorsqu’aucun PV de réception n’est signé, une réception tacite peut être reconnue lorsque le maître d’ouvrage manifeste une volonté non équivoque d’accepter les travaux.

Il appartient à celui qui revendique une réception tacite, de la prouver.

S’agissant d’une création jurisprudentielle, il n’existe pas de conditions strictes mais une interprétation, au cas par cas, de la volonté non équivoque du Maître d’Ouvrage de réceptionner les travaux.

Ainsi, l’habitabilité, la prise de possession ou le paiement des factures ne sont pas, indépendamment, des critères déterminants d’une réception tacite : seule compte la « volonté non équivoque » du Maître d’Ouvrage.

A l’inverse, les réclamations du client pour achever les travaux et le refus de payer les factures peuvent exclure toute volonté de recevoir les ouvrages.

Récemment, la Cour de cassation est allée plus loin en retenant une présomption de réception tacite à la double condition d’une prise de possession et du paiement de l’intégralité du prix. Civ 3è, 24 nov. 2016, n° 15-25.415 ; Civ 3ème 18 avr. 2019, n° 18-13.734

Dans tous les cas, la réception tacite doit également être contradictoire.

Conseils pratiques :

En l’absence de réception expresse, nombre de situations problématiques peuvent apparaitre.

La contestation du prix, notamment un refus de paiement du solde de marché, peut conduire à exclure toute réception tacite.

De même, dans le cas d’une réception tacite, la date de celle-ci peut poser difficulté, notamment pour l’application des garanties d’assurance.

De plus, la question des réserves à réception peut s’avérer complexe tant pour le Maître d’Ouvrage que pour l’entrepreneur.

En cas de désaccord entre les parties, la réception peut être prononcée par un juge saisi par la partie qui y a intérêt ; le Maître d’Ouvrage ou l’entrepreneur.

Cette procédure intervient souvent lorsque :

  • Le maître d’ouvrage refuse injustement la réception.
  • L’ouvrage est en état d’être reçu malgré des défauts mineurs.

La jurisprudence considère que l’achèvement total des travaux n’est pas une condition impérative pour une réception judiciaire. Civ. 3e, 11 janv. 2012

Pour pouvoir demander au Juge de prononcer la réception des travaux, il faut que l’immeuble soit en état d’être reçu, c’est-à-dire, effectivement habitable.

La date de la réception judiciaire est fixée en principe au jour où l’ouvrage est en état d’être reçu, ce qui correspond pour une habitation au moment où elle était habitable.

Conseils pratiques :

En cas de refus de réception par le Maître d’Ouvrage, la situation peut rapidement être bloquée.

Si le refus est injustifié, l’entreprise devra passer par une mise en demeure avant d’envisager une demande de réception judiciaire pour sortir d’une telle situation.

A l’inverse, le Maître d’Ouvrage peut se retrouver en difficulté, notamment lorsque l’entreprise abandonne le chantier ou défaillance d’une entreprise, une réception partielle, peut être envisagée.

Il est alors indispensable de faire établir un « constat » des travaux restant à effectuer et des malfaçons sur les ouvrages déjà réalisés ; ce constat pourra faire office de réception avec réserve.

Là encore, c’est la volonté non équivoque du Maître d’Ouvrage de réceptionner l’ouvrage dans l’état où il se trouvait qui sera retenue comme critère déterminant d’une réception partielle.

La jurisprudence a également accepté une réception par lot sauf si les travaux ne constituent pas des tranches indépendantes ou ne forment pas un ensemble cohérent.

La réception tacite Lorsque des travaux sont réalisés sur existant, notamment d’extension, il est courant que le Maître d’Ouvrage occupe toujours les lieux. La jurisprudence considère que cette présence du Maître d’Ouvrage ne permet pas de retenir une présomption de réception tacite sur la base d’une prise de possession et du paiement du prix. Civ 3è, 23 mai 2024, 22-22.938

Distinction entre les réceptions : la jurisprudence opère une distinction claire entre une réception judiciaire nécessitant la démonstration du caractère habitable et la réception tacite qui doit uniquement résulter de la volonté du Maître d’Ouvrage de recevoir les travaux réalisés. Civ 3è, 6 juin 2024, 22-24.047

L’abandon de chantier, situation à risques une entreprise placée en liquidation judiciaire n’est pas en mesure de terminer ses travaux. Toutefois, la situation mérite une attention particulière : l’établissement d’un constat d’huissier des travaux inachevés et la déclaration de créance adressée par le maître d’ouvrage en vue d’inscrire au passif de l’entreprise le coût des travaux ne sont suffisants à retenir à une présomption de volonté de réception tacite. Civ 3è, 7 novembre 2024, 23-13.283

La réception judiciaire sans convocation : une entreprise réclamant une réception judiciaire des travaux après leur achèvement n’a pas à convoquer le Maître d’Ouvrage : seul le critère de l’habitabilité doit être pris en compte par le Juge pour fixer la date d’une réception judiciaire. Civ 3è, 19 septembre 2024, 22-24.871 23-10.105 23-10.965

Recours contre une autre entreprise une entreprise peut être mise en cause pour les fautes commises par une autre ou dont la responsabilité peut être partagée. Dans cette hypothèse, la jurisprudence confirme le délai de prescription des recours entre constructeurs fixé à 5 ans à compter de l’assignation contenant une demande de condamnation en référé ou au fond. Cela exclut donc les demandes en référé expertise et les assignations en simple extension de la mission de l’expert judiciaire à de nouvelles parties. Les délais judiciaires peuvent entrainer de lourdes conséquences et il est toujours préférable de réagir rapidement. Civ 3è, 5 décembre 2024, n°23-15.701

En conclusion

La réception, qu’elle soit expresse, tacite ou prononcée par un juge est un élément majeur dans les marchés de travaux.

Elle marque la fin de l’exécution des travaux et le transfert de responsabilité du constructeur au maître d’ouvrage.

Sans réception, les garanties d’assurances pourraient ne pas prendre en charge un sinistre éventuel faisant peser la totalité du risque financier sur l’entreprise.

Les erreurs à éviter, notamment en matière de réception tacite, peuvent avoir des conséquences significatives sur les droits du maître d’ouvrage.

Au final, la réception des travaux doit être abordée avec rigueur et précaution, afin de garantir la protection des droits de toutes les parties impliquées et d’assurer les conséquences légales sereinement.