1. QUEL EST LE CADRE JURIDIQUE DU PRIX DU LIVRE ?
Deux lois encadrent la fixation du prix du livre. La Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « Loi Lang » s’appliquant aux livres physiques et la Loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, s’appliquant aux livres numériques.
Ces deux lois établissent le principe du prix unique, ce qui signifie que l’éditeur ou l’importateur d’un livre sur le territoire français doit fixer un prix de vente unique, valable pour toute la commercialisation du livre en France.
Ce prix s’impose uniformément à tous les revendeurs et distributeurs.
Sont exclus de ce régime les livres audio et les livres d’occasion, à l’exception des livres achetés pour être revendus.
2. COMMENT EST FIXE LE PRIX D’UN LIVRE ?
- La fixation du prix est-elle libre ?
Oui. L’éditeur reste libre de fixer le prix de vente d’un livre.
Mais. La liberté dans la fixation du prix n’écarte pas l’obligation d’un prix unique. Ainsi le système Pay What You Want (prix libre) ne peut pas être appliqué aux livres, car la loi impose un prix unique.
- Est-il possible de réaliser des prix différenciés en fonction des supports ?
Oui. Une différence de prix entre le livre numérique et le livre papier est autorisée, à condition que l’éditeur justifie cette différence.
- Quel taux de T.V.A s’applique dans la fixation du prix ?
Un taux de TVA réduit de 5,5 % s’applique aux livres, qu’ils soient en format physique, numérique, ou audio.
- Les frais de port sont-ils obligatoires ?
Oui. La loi n°2021-1901 du 30 décembre 2021, dite Loi Darcos, a fixé un tarif de frais de port minimum.
Aussi, le coût des frais de port est obligatoirement de 3 € TTC pour toute commande d’un ou plusieurs livres neufs d’un montant inférieur à 35 € TTC.
Au-delà de ce seuil, ce montant minimal peut être réduit mais ne peut faire l’objet d’une gratuité totale.
3. PEUT-ON MODIFIER LE PRIX ?
Seul l’éditeur peut modifier le prix d’un livre quand il le souhaite.
Toutefois, cette modification doit s’appliquer à tous les revendeurs avec un délai de préavis.
- Est-il possible de fixer un prix de « lancement » différent du prix final ?
Oui. Un prix de vente temporaire, plus bas, peut être fixé pour la durée déterminée de « lancement ».
- Est-il possible de fixer un prix initial de « crowdfunding / pré-commande / souscription » inférieur au prix de vente projeté, une fois le livre publié ?
Oui. Un prix réduit peut être offert à ceux qui s’engagent à acheter un livre avant sa publication, mais ce prix cesse dès que le livre est disponible à la vente.
4. LE PRIX D’UN LIVRE PEUT-IL VARIER ?
- Est-il possible de réaliser des promotions sur le prix d’un livre ?
Oui, Mais. Les remises sont autorisées, mais elles sont limitées à 5% maximum du prix du livre dans le commerce de détail. Au-delà de cette limite, les remises deviennent illégales.
En conséquence, le prix pratiqué par les détaillants peut être compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l’éditeur ou l’importateur.
- Est-il possible de solder des livres stockés depuis des années ?
Oui, Mais. Hormis pour les éditeurs dans leur activité de vente en directe, le solde des exemplaires de livres quand ceux-ci ont été publiés depuis plus de 2 ans et sont en stock chez le détaillant depuis plus de 6 mois.
5. LA VENTE A PRIME / BUNDLE
La vente à prime ou « bundle » (ex. offrir un produit gratuit à l’achat d’un livre, tombolas, bons d’achat) est légale :
- Uniquement si elle est réalisée par l’éditeur ou l’importateur, et doit être proposée à tous les détaillants. Toute prime à l’initiative d’un ou de plusieurs points de vente est donc interdite.
- Dès lors qu’elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L121-1 du Code de la consommation.
- Est-ce le livre peut constituer la prime ?
Oui. Le fait d’offrir à titre gratuit un livre physique ou numérique à la suite de l’achat d’un livre constitue une vente avec prime.
Toutefois, cette offre ne doit pas contrevenir aux dispositions de la loi n° 81-766 et notamment à la remise maximale de 5 %. En effet, il ne faut pas que la prime revienne à diminuer le prix originel du livre.
Exemple. Pour l’achat d’un dictionnaire à 50 euros et un livre offert d’une valeur de 25 euros. Cela vient à réduire de 100 % le prix du livre et de 25% le prix du dictionnaire. Cette situation caractérise une vente à prime illégale. (Cass. com., 1er avr. 1997, n° 94-22.129)
- Est-il possible d’offrir un bon d’achat en échange d’achat de livres ?
L’octroi de bons d’achats après l’achat d’un livre, peut être caractérisé de vente à prime. Aussi, elle ne doit pas être perçue comme une réduction indirecte du prix du livre acheté ou constituer un détournement de clientèle.
Exemples.
Une opération promotionnelle mise en place par un supermarché consistant à offrir des bons d’achat dont la valeur était calculée en fonction du montant des achats de livres scolaires effectués, est une vente à prime de livres illicite, en ce que la prime (l’octroi de bons d’achat) permettait indirectement une réduction de prix sur les livres achetés, quand bien même le bon n’était pas utilisable pour l’achat de livres. (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 novembre 2007, 06-13.797)
Par ailleurs, la remise au client un bon de réduction valable sur l’achat ultérieur d’un article concurrent a été considéré illicite et constitutif de détournement de clientèle (Cass. com., 18 nov. 1997, n° 95-17.445).
6. QUE FAIRE EN CAS DE VIOLATION ?
- Puis-je agir à l’encontre de mon concurrent pour violation des règles précitées ?
Oui. En cas d’infraction aux dispositions de la présente loi, les actions en cessation ou en réparation peuvent être engagées, notamment par tout concurrent, association agréée de défense des consommateurs ou syndicat des professionnels de l’édition ou de la diffusion de livres ainsi que par l’auteur ou toute organisation de défense des auteurs.
Toutefois. La loi Darcos de 2021, impose une la saisine préalable du médiateur du livre aux fins de conciliation.
- Quelle sanction est encourue ?
- Une amende administrative : une amende de troisième classe est encourue pour non-respect des dispositions légales prévues par les lois relatives au prix du livre de 1981 et 2011. (Décret n°85-556 du 29 mai 1985, décret n°2012-146 du 30 janvier 2012).
- En cas de concurrence déloyale, des dommages et intérêts à verser à tout concurrent lésé par les pratiques déloyales.
Article rédigé par Sandrine Vara, avocate associée et Cloé Dessemon, avocate collaboratrice